Exportations d’acier recyclé : une interdiction contre-productive

Peut 7, 2025 - 07:00
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Exportations d’acier recyclé : une interdiction contre-productive

FEDERREC alerte sur le risque d’asphyxie économique de l'industrie du recyclage 

En l'espace de 10 ans, la consommation d'acier recyclé a baissé en Europe de près de 13 millions de tonnes passant de 87.5 millions de tonnes 75.2 millions de tonnes. La faute à une désindustrialisation continue de notre industrie sidérurgique frappée par des prix de l'énergie prohibitifs et une concurrence, venue principalement d'Asie, toujours plus agressive. Les recycleurs d'acier européens (qui ont toujours continué à recycler les déchets métalliques) ont investi sur cette période afin d’industrialiser le recyclage des métaux et de l'acier contenus dans les produits arrivant en fin de vie. Par conséquent, aujourd'hui, si 80% de l'acier recyclé est consommé dans l'UE, 20% est exporté principalement vers la Turquie dont la filière est bien plus développée que dans l'Union. L'exportation d'environ 19 millions de tonnes d'acier recyclé est exclusivement due à un manque de capacité industrielle consommatrice d’acier recyclé sur le continent, à la fois en raison de la crise de plusieurs secteurs industriels qui constituent les débouchés de l’acier (construction, automobile) mais aussi à un manque d’investissement dans des technologies plus vertes, permettant une hausse de l’utilisation d’acier recyclé en substitution au minerai de fer. Sans ces exports, il y aurait une surcapacité de production d’acier recyclé, qui causerait une forte baisse des prix de l’acier. À court terme, le risque est qu’une partie des déchets d’acier en Europe ne soit plus collectée et recyclée, mais aussi que les coûts fixes de l’industrie du recyclage ne soient plus couverts. Une baisse des prix causée par cette fermeture du marché impactera négativement l’industrie du recyclage des métaux ainsi que l’ensemble de la chaîne de valeur de l’acier.

Quelques lignes sur la proposition de Stéphane Séjourné concernant l’interdiction d’exportation d’acier recyclé 

L’interdiction d’exporter les métaux recyclés portée par Stéphane Séjourné, inscrite dans le plan d’action de la Commission européenne pour l’acier et les métaux paru le 19 mars 2025, était à l’origine prévue pour le 1er avril 2025, et a été reportée au troisième trimestre 2025, à la suite d’échanges avec tous les acteurs de la chaîne de valeur, dont les industriels du recyclage. Cette proposition a suscité une vive réaction de la part des industries du recyclage des métaux, qui s’opposent à ces restrictions comme étant la pire des mesures pour augmenter la circularité de l'acier dans l'UE, cette même circularité étant un objectif du plan d’action (steel and metal action plan), mais qui affiche un calendrier bien plus tardif, à savoir le dernier trimestre 2026.

Pourquoi cette interdiction ne réglerait en rien la crise actuelle / Pourquoi ce projet serait contre-productif pour d’autres filières ?

La crise qui touche le secteur de l’acier est causée majoritairement par une concurrence internationale importante, notamment par les surcapacités chinoises et la baisse de la demande en Europe (baisse de 20% sur cinq ans) [1]. Cela est lié aux prix élevés de l'énergie dans l'Union européenne. Interdire les exports d’acier recyclé, ne créerait pas la demande nécessaire pour compenser une demande domestique en chute continue. Il est important de mentionner qu'il n'existe aucun risque avéré de manque d'acier recyclé en Europe y compris à l’horizon 2030.

Cela serait contre-productif pour la filière du recyclage de l’acier, qui perdrait les moyens de collecter et de recycler les déchets d’acier présents sur le territoire européen, entraînant un risque important de stock dans un premier temps, limité par des contraintes réglementaires (autorisations environnementales, risque incendie).

À court et à moyen terme, ces restrictions impacteraient l'ensemble de la chaîne de valeur européenne des métaux - du recyclage à la production - et rendraient l'Union européenne encore plus dépendante aux importations de minerai primaire, de produits semi-finis et de produits finis.

Pourquoi la France risque-t-elle d’asphyxier une partie de son économie ?

En France, l’industrie du recyclage de l’acier a produit 11 millions de tonnes d’acier recyclé en 2023, dont 10,5 étaient vendues, et parmi ces tonnes vendues, 58% étaient exportées hors de France, dont 16% hors UE [2]. L’interdiction des exportations en dehors des frontières européennes impacterait donc négativement l’industrie du recyclage, et la chaîne de valeur dans laquelle elles sont intégrées.

Quelles autres solutions s’ouvrent à la France et à l’Europe concernant son acier recyclé

Les solutions proposées autres que les exports sont :

  • Stimuler la demande de matériaux recyclés européens en introduisant des obligations ciblées en matière de contenu recyclé (mesure préalable nécessaire à toute restriction des exports), en réduisant la TVA, en créant des marchés publics verts pour récompenser la circularité

  • Adhérer au tout nouveau cadre de l'UE sur les Transferts Transfrontaliers de Déchets et s'abstenir de promulguer des restrictions supplémentaires à l'exportation d'acier recyclé et de déchets métalliques.

  • S'attaquer aux problèmes de compétitivité causés par les prix élevés de l'énergie, tels qu'identifiés dans le Clean Industrial Deal, qui affectent toutes les industries, y compris le secteur européen du recyclage.

Une véritable stratégie industrielle nécessite de s'attaquer aux causes de la désindustrialisation en Europe et non d'ajouter des contraintes supplémentaires sur le pan le plus circulaire de l'industrie de l'acier. À défaut, c'est toute la filière de l'acier qui sera impactée.

[1] ArcelorMittal annonce la suppression de 600 postes dans le Nord de la France, notamment à Dunkerque

[2] Chiffres clés du recyclage 2023

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