Apnée du sommeil : enfin une solution miracle pour des millions de Français ?

Chaque nuit, des millions de respirations se coupent sans bruit. Des millions de réveils sans mémoire, de fatigue sans cause apparente. Et si un simple comprimé pouvait tout changer ?

Une pilule qui agit sur les muscles de la gorge

Le nom de code est AD109. Derrière cette désignation se cache une association inédite de deux substances déjà bien connues : l’atomoxétine, utilisée dans le traitement du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), et l’aroxybutynine, prescrite contre l’hyperactivité vésicale. Ensemble, ces deux molécules renforcent le tonus des muscles situés dans les voies respiratoires supérieures, réduisant les collapsus du pharynx pendant le sommeil, principal mécanisme de l’apnée obstructive.
Contrairement au masque à pression positive continue (CPAP), souvent mal supporté, cette pilule s’avale simplement avant le coucher. Selon les résultats d’un essai clinique mené sur 646 patients par la société Apnimed, elle permettrait une réduction de 56 % des épisodes d’apnée. Encore plus fort : un patient sur cinq aurait atteint un contrôle quasi total, avec moins de cinq arrêts respiratoires par heure.

Aujourd’hui, le traitement standard repose sur un masque nocturne qui envoie de l’air sous pression pour maintenir les voies ouvertes. Un système efficace mais contraignant : bruit, inconfort, déplacements compliqués. Pour beaucoup, la solution est vécue comme un mal nécessaire.
« Ce procédé est le plus souvent efficace, mais de nombreux patients ont du mal à gérer ce dispositif contraignant », souligne le Pr Jean-Louis Racineux, chef du service de pneumologie au CHU d’Angers. D’autres alternatives existent, comme les orthèses mandibulaires, mais leur efficacité reste variable.

Apnée du sommeil : un espoir réel pour une pathologie sous-estimée

L’efficacité de l’AD109 repose sur un mécanisme ciblé : la tonification du muscle génioglosse, situé à la base de la langue, pour empêcher l’effondrement des voies aériennes. La neurologue Sigrid Veasey (Université de Pennsylvanie) se dit « enthousiasmée » : « Il est assez clair que cette combinaison médicamenteuse réduit les épisodes d’apnée obstructive du sommeil. Et elle atténue la gravité des chutes d’oxygène pendant le sommeil ».
Mais tout n’est pas encore validé. Si les essais montrent une amélioration significative, les chercheurs restent prudents quant aux effets secondaires possibles, notamment sur la pression artérielle ou la qualité du sommeil profond. L’autorisation de mise sur le marché par la Food and Drug Administration (FDA) est attendue d’ici à 2026.

L’apnée du sommeil, souvent confondue avec de simples ronflements, peut avoir des conséquences graves : fatigue chronique, troubles cognitifs, hypertension, accidents cardiovasculaires. Environ 2,5 millions de Français seraient concernés, soit près de 4 % de la population. Et le chiffre pourrait atteindre 8 %, selon les estimations des pneumologues.
Ce nouveau traitement offre donc un espoir concret. S’il est validé, il pourrait transformer la vie de millions de patients qui refusent ou abandonnent les traitements classiques. Klar Yaggi, professeur agrégé à la Yale School of Medicine, affirme : « Nous entrons clairement dans l’ère de la médecine de précision appliquée au sommeil. Ce médicament en est une avancée majeure ».