Contrefaçon : le nouvel eldorado des mafias mondiales

Le 3 juin 2025, l’Union des Fabricants (Unifab) a dévoilé un rapport explosif intitulé « Contrefaçon & criminalité organisée », pointant du doigt l’expansion foudroyante de la contrefaçon au cœur des flux illicites mondiaux. Cette activité, estimée à 2,5 % du commerce mondial et jusqu’à 5,8 % des importations dans l’Union européenne, n’est plus l’apanage de petites structures opportunistes. Elle est aujourd’hui pilotée, structurée et financée par les plus puissants réseaux criminels internationaux.
Contrefaçon : le nouvel eldorado des mafias mondiales
« Derrière chaque trafiquant se cache un distributeur de contrefaçon qui se sert de cette activité à des fins malveillantes », déclarait Christian Peugeot, président de l’Unifab, dans un entretien relayé par RMC le 16 juin 2025. Ce n’est plus une hypothèse : le crime organisé a investi massivement ce secteur discret et extrêmement rentable.
Dans son rapport, l’Unifab dresse un panorama glaçant : 31 groupes criminels structurés sont activement impliqués dans le trafic de produits contrefaits, selon Europol. Parmi eux, on retrouve la Camorra et la Mafia italienne, les Triades chinoises (Sun Yee On, 14K), la D-Company indienne, le Hezbollah, les cartels mexicains (Sinaloa, Jalisco), ainsi que l’État nord-coréen. Cette infiltration ne se limite plus aux marchés informels : les produits contrefaits circulent désormais dans les circuits de distribution légitimes, grâce à une logistique criminelle maîtrisée.
Techniques de dissimulation et de pénétration des marchés
Les organisations criminelles ont développé une ingénierie logistique sophistiquée. Le rapport Unifab décrit en détail plusieurs techniques utilisées pour contourner les contrôles :
- Bulk breaking : fragmentation de l’acheminement via différents pays, rendant l’origine indétectable.
- Fragmentation : expédition séparée d’étiquettes, flacons et emballages pour un assemblage in situ.
- Mélange de produits : intégration de faux parmi des cargaisons authentiques.
- Relocalisation : implantation d’unités de production aux portes de l’Europe (Espagne, Pologne, Tchéquie…).
- Exploitation des pénuries : réponse rapide aux tensions de marché pour écouler des contrefaçons.
Résultat : selon l’Unifab, la douane européenne ne peut contrôler que 2 à 3 % des marchandises importées, laissant un boulevard aux trafiquants.
Un mécanisme de blanchiment d’argent opaque et mondialisé
Ce commerce illégal ne s’arrête pas à la vente. Il alimente un système financier clandestin sophistiqué. Le rapport révèle comment les sociétés-écrans, les transferts via le Hawala, les cryptomonnaies anonymes (Monero, Dash, Zcash, NFTs), ou encore les mixers/tumblers numériques permettent de brouiller les pistes et de recycler les profits criminels à travers des flux financiers opaques. Une stratégie de dissimulation qui rend l’action judiciaire particulièrement difficile.
L’impact économique de la contrefaçon : un séisme invisible
Chaque année, selon l’Unifab, 15 milliards d’euros de recettes fiscales échappent aux États européens. Et les entreprises en paient le prix fort : 670 000 emplois sont détruits sur le Vieux Continent du fait de la concurrence déloyale des produits contrefaits. Une véritable érosion du tissu économique licite.
Mais les dommages ne s’arrêtent pas là. Les produits contrefaits – cosmétiques, médicaments, pièces automobiles, équipements électroniques – sont souvent fabriqués à partir de substances toxiques, dans des conditions sanitaires déplorables. « Il s’agit de produits dangereux pour la santé, non recyclables et très polluants », souligne le rapport.
Travail forcé, mineurs et traite humaine : les invisibles du marché noir
Le document n’omet pas l’envers social du décor : travailleurs sans papiers, mineurs, victimes de traite sont massivement employés dans les usines clandestines. Sans protection, mal payés, exposés à des produits chimiques, ces travailleurs sont la première variable d’ajustement d’un système fondé sur l’exploitation.
Institutions en alerte : vers une réponse politique ?
Le rapport a été présenté en juin 2025 à Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, en présence de la sénatrice Catherine Dumas, engagée de longue date sur ce dossier. Objectif : faire de la lutte contre la contrefaçon une priorité stratégique. L’Unifab demande des moyens renforcés pour les douanes, une judiciarisation plus systématique des affaires, et un réveil des consciences citoyennes.
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