Croissance nulle, inflation, précarité : la France face à un miroir brutal

L’Institut La Boétie a publié son cinquième Point de conjoncture, brossant un tableau sans complaisance de la situation économique française. Dans un contexte marqué par la résurgence de l’inflation et la stagnation généralisée, cette analyse s’attaque frontalement aux politiques économiques menées ces dernières années, dans un document incisif et rigoureux, dressant un constat alarmant d’une économie piégée entre austérité et inégalités.
Croissance atone et industrie sinistrée : l'Institut La Boétie sonne l'alarme sur l'économie française
L’Institut La Boétie affirme que la France est embourbée dans une croissance proche de zéro. Le PIB n’aurait progressé que de +0,1% au premier trimestre 2025, selon l’Insee. La Banque de France, quant à elle, prévoit +0,7% sur l’ensemble de l’année. Des chiffres qui enterrent déjà les ambitions du gouvernement d’atteindre +0,9%. Et ce n’est pas la guerre commerciale lancée par Donald Trump qui viendra améliorer la donne.
Derrière cette inertie se cache une vérité bien plus dérangeante : l’investissement s’écroule. L’investissement des ménages a chuté de 19% entre 2021 et 2024. Celui des entreprises, lui, a reculé de 2,8% sur un an. Même le secteur public, pourtant dernier rempart, fléchit. Le « mirage » de la réindustrialisation vanté par Emmanuel Macron ? Une farce : « Les plans de licenciements se succèdent, dans la filière automobile notamment mais aussi dans le secteur de la chimie, avec récemment le cas de Vencorex », déplorent Sylvain Billot et Éric Berr, les deux auteurs du rapport.
Pouvoir d’achat en berne et profits en hausse : le diagnostic de l’Institut La Boétie sur l’économie française
Les salaires réels ? En recul de 3,5% depuis 2017. Le pouvoir d’achat ? Dopé artificiellement par les revenus du patrimoine, pendant que les salaires stagnent. L’Institut La Boétie note que « plus de 1,2 million de foyers n’ont pas pu payer leur facture et ont subi des coupures ou réductions de puissance d’électricité », soit une hausse de 85% depuis 2019.
Et pendant ce temps ? Les dividendes flambent (+79,8% entre 2017 et 2024) et les profits des sociétés non financières augmentent de 12,4%. Des hausses déconnectées de la réalité productive : la productivité horaire a baissé de 1,7%. Le rapport dénonce un système où les marges s’élargissent artificiellement : « Les entreprises ont imposé avec succès des hausses de prix supérieures aux hausses de salaires nominaux ».
La boucle prix-profits, identifiée comme moteur principal de l’inflation, tranche avec les discours dominants sur une prétendue « boucle salaire-prix ». Le capital ne compense pas la productivité en hausse ; il creuse les écarts.
Protection sociale et fiscalité : l’Institut La Boétie démonte les idées reçues sur l’économie française
Autre angle d’attaque du rapport de l’Institut La Boétie : la fiscalité et les prélèvements obligatoires. Souvent décriée comme « championne du monde des prélèvements », la France est ici défendue pied à pied. L’expression, juge l’Institut, est malhonnête. Car elle ignore le poids réel des dépenses privées dans les pays où la santé et la retraite sont largement privatisées.
Le rapport rappelle que « la Sécurité sociale coûte moins cher que les organismes de santé privés et elle diminue le coût des dépenses de santé ». En 2023, les frais de gestion de la Sécu et de l’État pour la santé s’élevaient à 7,8 milliards d’euros, contre 8,3 milliards pour les organismes privés. Avec une efficacité bien supérieure : 78% des dépenses de santé sont prises en charge par le public, contre 12% pour les complémentaires.
Résultat : la France offre un accès universel à la santé pour un coût maîtrisé. À rebours de ce que promeut un certain discours néolibéral, le modèle français s’avère à la fois plus juste et plus efficace.
Emploi, précarité et austérité : quand le néolibéralisme broie l’économie française
La photographie sociale est tout aussi glaçante. 90.100 emplois salariés supprimés au quatrième trimestre 2024. Un chômage en hausse continue, qui devrait atteindre 7,8% fin 2025. Les auteurs du rapport signalent une précarisation massive du travail : le développement fulgurant de la micro-entreprise cache une réalité accablante. Un tiers des auto-entrepreneurs cumule avec un autre emploi. Un sur dix est créé à la demande d’un client pour éviter un contrat de travail.
En parallèle, les grandes entreprises coulent à vue : 65.844 défaillances sur 12 mois en janvier 2025. Le capitalisme à la française, lui, continue de verser des dividendes… mais supprime les postes.
En définitive, ce Point de conjoncture de l’Institut La Boétie dresse un constat implacable : après huit ans de macronisme, l’économie française est exsangue. La politique menée a enrichi les actionnaires, fragilisé les salariés, détruit les filets de sécurité collective. Et la suite ? C’est la Sécurité sociale qui est dans le viseur. Alors que le modèle français prouve sa supériorité sur les systèmes privés, l’austérité menace de s’y attaquer. Dans une économie asphyxiée, le dernier souffle pourrait bien être celui d’un système solidaire.
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