Vols retardés : pourquoi les Français s’opposent à la réforme du droit européen

Le 5 mai 2025, alors que plus de 30 millions de passagers français ont été affectés par des retards ou annulations de vols en 2024, une réforme controversée du règlement européen CE n°261/2004 sur les droits des passagers aériens — souvent désigné sous l’acronyme EU261 — est à l’étude à Bruxelles. Cette réforme, portée par certaines compagnies aériennes, pourrait profondément bouleverser les modalités d’indemnisation pour les retards de vol. Et le mot « bouleverser » n’est pas de trop.
Compagnies aériennes : une réforme qui écorne les droits des passagers
Le règlement EU261, en vigueur depuis 2004, accorde actuellement une indemnisation allant jusqu’à 600 euros en cas de retard supérieur à trois heures à l’arrivée, sauf circonstances exceptionnelles. Pourtant, un projet de réforme vise à relever ces seuils : il faudrait désormais 5 heures de retard pour les vols courts, 9 heures pour les vols intermédiaires, et jusqu’à 12 heures pour les longs courriers pour espérer être indemnisé. Quant aux compagnies aériennes, elles bénéficieraient de davantage d’exemptions, réduisant d’autant leur responsabilité.
Un recul manifeste, dénoncé par les associations de consommateurs et les passagers eux-mêmes, qui y voient un démantèlement silencieux de leur protection. « L'EU261 est un symbole de la protection des consommateurs européens. Affaiblir ce règlement nuirait à la confiance des passagers, à la responsabilité des compagnies et à la réputation de l'UE. Ce n'est pas une réforme, c'est un recul », alerte Anton Radchenko, PDG d’AirAdvisor, dans une déclaration reprise dans le communiqué du 5 mai 2025.
Les passagers ne veulent pas de la réforme
Selon l’enquête exclusive réalisée par AirAdvisor, seuls 50 % des Français connaissent leurs droits en cas de retard. Plus inquiétant encore : seuls 12 % ont déjà tenté d’obtenir une compensation. Ce déficit d’information, entretenu par une certaine opacité des compagnies aériennes, accentue le sentiment d’injustice.
Et pourtant, la mobilisation est massive : 92 % des personnes interrogées rejettent toute modification du règlement en défaveur des consommateurs. Le rejet est transversal, toutes tranches d’âge confondues, avec une radicalité accrue chez les jeunes de 18 à 26 ans : 94 % d’entre eux s’opposent à la réforme, une fois informés de leur droit à indemnisation. Cette génération, bien qu’encore peu sensibilisée, se révèle la plus déterminée à préserver ses droits.
La réforme risque de coûter très cher aux voyageurs
Contrairement aux arguments avancés par les compagnies, le coût de l’application de l’EU261 est marginal : à peine 4 euros par billet, selon les estimations reprises par AirAdvisor. C’est bien peu, comparé à une assurance voyage privée, dont le coût oscille entre 30 et 45 euros. Et seules 13 % des personnes sondées déclarent souscrire une telle assurance.
Autrement dit, EU261 ne se contente pas de dédommager, il démocratise la protection des passagers. Pour les foyers modestes, qui n'ont pas les moyens de payer des assurances complémentaires, cette réglementation agit comme un véritable bouclier social. Et elle s’avère particulièrement précieuse dans des régions comme l’Île-de-France, où 18 % des répondants ont déjà obtenu une indemnisation — bien au-dessus de la moyenne nationale.
En 2024, 30 % des vols au départ de la France ont été retardés ou annulés, affectant plus de 30 millions de passagers. Parmi eux, 2 millions pourraient théoriquement prétendre à une compensation. En pratique, ils sont très peu à faire valoir leurs droits. Pourquoi ? Parce que demander une indemnisation reste un parcours du combattant, que les compagnies rendent volontairement ardu.
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